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La Joconde de Placid
Contexte : Facebook

Présentation :

Texte écrit pour une exposition de Placid à la Galerie Corinne Bonnet en mai 2017

Sujet principal : Placid


Placid peint les hommes et les femmes qui traversent les rues de la ville : ils ont tous l’air harassés, stressés, fatigués. Ils sont cabossés, le corps en avant ou la tête en arrière. Ils s’engouffrent dans des stations de métro, partent à un rendez-vous, sortent leur chien, font la queue chez la boulangère, se terminent au bar du coin. Tous les personnages peints par Placid, nous les connaissons. Nous les croisons tous les jours, et pourtant nous ne les voyons pas. Placid nous les fait voir comme des sphinx fous aux cœurs dévorés. Chaque tâche quotidienne leur est une épreuve de force. Une vendeuse épuisée regarde les vêtements qu’elle a sorti pour une cliente qui est déjà partie, une jeune fille voilée écoute son baladeur dans le métro, trois jeunes gars se roulent un joint dans square, une africaine revient des courses dans le froid de la fin du jour. Le monde autour d’eux s’ouvre à nous comme une énigme. Les téléphones portables, les paquets de cigarette, les joggings, les bodys, les casques poussent comme des fleurs urbaines, et explosent dans l’espace comme des touches de couleur. Tous les signes de la modernité viennent se répondre comme des lignes esthétiques qui attendaient d’être perçues comme les volutes baroques, les spirales étincelantes d’un nuage d’illusion. Les toiles de Placid sont distinctes et pourtant elles appartiennent à une narration commune : le chien passe de toile en toile, on repère la forme des téléphones portables dans les jeans des filles qui passent, et les regards partent d’une toile à l’autre, comme si chaque personnage attendait d’un autre qu’il le libère de son épuisement. Et puis, au cœur, au centre, au bout du labyrinthe, il y a le sphinx suprême, la « Joconde de Placid », la buraliste chinoise. Son visage est doux, ses intentions sont incertaines, son sourire est une énigme. Elle nous observe et à travers ses yeux, c’est notre regard qui change. Avec son paquet de cigarettes, elle nous transmet une impassibilité que nous transportons dans les autres toiles et à travers celle-ci nous nous détachons de l’angoisse que représente les épreuves de la vie quotidienne. En nous rendant le monde drôle, Placid nous rend sage. En donnant à l’inquiétude de la vie une expression adéquate, il nous rend gentil. En voyant la beauté de tous les signes contemporains qui circulent dans les villes, il nous rend intelligent. L’exposition de Placid galerie Corinne Bonnet dure jusqu’au 10 juin. Allez-y : vous reviendrez autre.