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L'école infinie
Paru en 2021

Contexte de parution : Le livre sans visage

Présentation :

Texte publié sur le blog Le Livre sans Visage en mai 2021






 

J’ai fini L’enquête infinie. Ça fait bizarre de dire ça, et surtout de le dire comme ça. J’ai fini L’enquête infinie. Je ne suis pas sûr que ça marche, cette phrase. J’ai fini L’enquête infinie. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ce n’est pas infini si tu l’as fini, andouille. Et si c’est infini, tu ne l’as pas fini. Mais si : j’ai fini un livre qui parle de quelque chose d’infini, mais cette chose reste infinie, c’est seulement le livre sur cette chose qui est fini. Je ne dis pas que l’enquête infinie, en tant qu’enquête, est finie. C’est seulement L’enquête infinie, en tant que livre, qui l’est. Ne confondons pas le mot et la chose, encore moins le titre et le sujet. Ne confondons pas l’infini, le fini et le défini. Y a plus d’infini, ma bonne dame. 

 

Je l’ai assez rabâché, que c’est mon plus gros livre à ce jour. Plus de 500 pages. Ça n’impressionnera pas les sept-cent pageurs, les mille-pageurs, les deux-mille-pageurs. Mais pour moi c’était long. Long à écrire et surtout à corriger, à vérifier, à fact-checker. A faire lire aux amis et aux spécialistes des sujets évoqués. Pour L’enquête infinie, j’ai consulté beaucoup plus de gens que pour mes précédents livres. Certaines personnes, c’était pour un seul texte ; d’autres, c’était l’ensemble du livre. Depuis mon premier livre, Poppermost, publié en 2002, j’ai toujours fait lire mes livres avant publication à un groupe choisi de lecteurs : des amis ou des spécialistes du sujet traité (souvent les deux à la fois). Ce sont les gens qui apparaissent sur la page de remerciements. La page de remerciements est généralement la page des relecteurs. Parfois j’y ajoute aussi quelques amis qui m’ont aidé autrement. Par leur conversation, par certaines informations qu’ils m’ont données, et puis surtout par leur amitié. Mais la majorité des noms est celle des amis-spécialistes-relecteurs.Tu m’as donné de la crasse et j’en ai fait de l’or est, de mes livres, celui que j’aurais fait lire en amont au plus petit nombre de relecteurs à ce jour. Seulement quatre : Thomas Bertay, Chloé Delaume, Bertrand Mandico, Virginie Vernay. Il fallait que le livre reste intime, presque secret, jusqu’à sa sortie. Et puis il n’y avait pas besoin de spécialistes, puisque c’était ma vie, le sujet. L’enquête infinie a le plus grand nombre de relecteurs. Vous les découvrirez en fin de livre. Il y avait tellement de sujets sur lequel j’avais besoin de leur lumière. L’enquête infinie va dans tous les sens. Y a plein de trucs qui trainaient depuis plusieurs années et qui y ont trouvé leur place, à commencer par mes recherches sur le Sphinx ou le thème du labyrinthe. On y trouve, entre autres, les études sur les profilers, la série Millennium de Chris Carter, les romans de Thomas Harris, et l’exégèse de la série Dollhouse dans sa relation avec le transhumanisme (ce qui m’a permis de développer sur quelques pages l’arnaque qui consiste à associer gnosticisme et transhumanisme), les analyses de quelques faits divers qui sont un peu plus que des faits divers (Jack l’Éventreur, le petit Grégory, l’effet Mandela, le cas Martin Schkreli), et puis une longue série concernant les interférences de la vision des Sans Roi avec les artistes et penseurs du XXe siècle : André Breton, Antonin Artaud, Federico Fellini (avec C.G. Jung), David Bowie (avec John Lennon), Philip K. Dick… Mais tout ça relu, amendé, modifié, métamorphosé en tant que totalité. C’est un livre qui pourra être lu dans sa continuité mais aussi en piochant un chapitre au petit bonheur, puisque chacun est pensé comme pouvant faire l’objet d’une lecture indépendante. C’est à mi-chemin d’un « recueil » comme Pop Yoga et de l’essai « à sujet central » mais rempli de modifications de perspective ou de personnages, comme L’homme électrique

 

L’enquête infinie a surtout sa logique propre, qui aurait été impensable sans l’expérience du confinement, permettant une solitude profonde, propice à rouvrir tous les vieux dossiers et à réfléchir en profondeur sur chacun. Propice à relire tout Breton, tout Artaud, tout Poe, revoir tous les films de Fellini, relire toutes les bandes dessinées de Moebius, éplucher toutes les hypothèses concernant Jack l’Éventreur et réétudier tous les épisodes de Millennium. Propice à étudier dans le détail L’exégèse de Philip K. Dick. 

 

Ce « confinement » a débordé sur le « déconfinement ». Je ne me suis jamais déconfiné parce que je n’avais pas fini L’enquête. Mais j’ai fait une pause, en été-automne de l’année dernière. Le temps de faire avec Thomas Bertay Trois ou quatre cavaliers, un film qui puisse s’ajouter à Stupor Mundi 3 pour compléter le DVD qui sort aujourd’hui.

 

Parce que le DVD de Stupor Mundi 3 sort, enfin. Stupor Mundi, c’est une histoire compliquée. Le projet de film est né pendant qu’on faisait les épisodes du Dispositif avec Thomas. Le Dispositif, on avait commencé en 1999, on pensait en faire un par semaine, un chaque Dimanche, et on comptait en faire 52 en un an. Mais petit à petit, on a été plus ambitieux sur le contenu des épisodes. On a voulu peaufiner, complexifier, et finalement on a mis treize ans à finir. On a mis treize ans à faire nos 52 Dispositifs. Et après on a enchaîné sur ce qu’on pensait être « un » film, initialement appelé Rituel de décapitation du Pape. C’était une commande de Xavier Filliol, qui voulait faire un film sur les Freaks de L.A., le premier « mouvement de la jeunesse » des années 1960, les gars qui entouraient Zappa au début des années 1960, dirigés par le sculpteur et danseur Vito Paulekas. Xavier connaissait tous les survivants, dont Gail Zappa. Il est devenu notre producteur, mais on avait carte blanche pour traiter le sujet comme on l’entendait. Xavier nous a payé le voyage à L.A. On a rencontré Gail Zappa, on s’est bien entendu avec elle, elle nous a envoyé une lettre d’autorisation amicale pour qu’on puisse piocher dans la discographie de Zappa. On a monté une petite équipe (avec Antoine Mocquet, Camille Gerschell, Pierre Borde…). On a tourné à Palerme. On a tourné à Bourges. On a tourné à Paris. Et finalement on s’est retrouvé avec plus de matière qu’il n’en fallait pour un seul film. 

 

Du coup on est parti sur une tétralogie : Stupor Mundi 1 Rituel de décapitation du pape et Stupor Mundi 2 Les hommes qui mangèrent la montagne ont été achevé ensemble, en 2016. Et on a terminé Stupor Mundi 3 La plus dangereuse rencontre en 2019. Et en revoyant tout ce qui nous restait, il nous a semblé évident qu’on ne pourrait pas faire un Stupor Mundi 4 du niveau des trois précédents. Les meilleures choses étaient dans le troisième film. Du coup, c’est devenu une trilogie. Toute l’histoire sera racontée dans le film qui accompagne Stupor Mundi 3. Un film nommé Trois ou quatre cavaliers et qui revient sur 20 ans de travail ensemble : sur Le Dispositif, sur les trois films Spectre, avec le groupe Maat, et jusqu’à Stupor Mundi. C’est parti d’un entretien avec Warren Lambert filmé par Vladimir Vatsev et c’est devenu un film

 

Vous pourrez voir ce film si vous commandez Stupor Mundi 3. Ce qui m’amène à tout bien réexpliquer, pour ceux que ça intéresse et qui n’ont pas tout suivi. En 2013, on a publié un coffret contenant les 52 épisodes du Dispositif. On l’a sorti à 676 exemplaires (nombre d’apparitions de Killoffer dans l’album du même nom). Il en reste encore une centaine. Puis on a publié un digipack Stupor Mundi avec de la place pour deux DVD mais un seul DVD à l’intérieur : celui qui contient les épisodes 1 et 2. Je réexplique parce qu’on me l’a redemandé une centaine de fois. 

Donc, si vous avez le digipack Stupor Mundi et un seul DVD à l’intérieur, c’est normal. C’est le DVD des épisodes 1 et 2. La place restante, c’est pour y placer le DVD qui devait contenir les épisodes 3 et 4 et qui désormais contient l’épisode 3 et le film Trois ou quatre cavaliers. 

 

Si vous aviez souscrit pour celui-ci, vous allez recevoir le DVD de Stupor Mundi 3. Vous le recevrez dans une pochette plastique transparente et vous le placerez dans votre boitier, dans l’espace qui était prévu pour celui-ci. Et votre Stupor Mundi sera complet. Amen. 

 

Si vous n’avez pas souscrit, vous ne le recevrez pas. Ce qui complique les choses, c’est qu’il y avait quatre souscriptions possibles. Je vous explique. Vous pouviez souscrire à hauteur de 20 euros, ce qui vous permettait de recevoir le DVD des deux premiers épisodes de Stupor Mundi (et donc si vous avez souscrit à hauteur de 20 euros, vous ne recevrez pas le DVD de Stupor Mundi 3). Vous pouviez souscrire à hauteur de 40 euros, ce qui vous permettait de recevoir le DVD des deux premiers Stupor Mundi et le DVD du troisième (et donc vous le recevrez dans les jours qui viennent). Vous pouviez souscrire à hauteur de 55 euros, ce qui vous permettait de recevoir le DVD des deux premiers Stupor Mundi et le coffret du Dispositif (et donc vous ne le recevrez pas). Vous pouviez souscrire à hauteur de 75 euros, et plus, ce qui vous permettait de recevoir tout : le coffret du Dispositif, le premier DVD et le second DVD (et donc vous le recevrez). Ouf. 

 

Et si, aujourd’hui, vous voulez un peu de tout ce bordel, c’est pareil. Vous pouvez acheter le premier DVD ou le second DVD pour 20 euros chacun. Les deux DVD pour 40 euros. Un des deux DVD et le coffret pour 55 euros. Les deux DVD et le coffret pour 75. Tout ça par chèque, au nom de « Sycomore Films », envoyé à Sycomore, 8 rue des Apennins 75017 Paris. Voilà, voilà, voilà. Ajoutez un signet avec ce lien si vous voulez y revenir, je ne vais pas réexpliquer ça à chaque fois. 

 

Donc on a terminé le DVD de Stupor Mundi 3. Et le DVD sort maintenant. 

 

Et ensuite j’ai terminé L’enquête infinie. Et le livre sort le 15 septembre chez les PUF. 

 

Après L’enquête infinieTrois ou quatre cavaliers et le tournage de Bertrand Mandico, j’ai écrit la plaquette sur Prince, Prince des fêtes brûlantes et des aubes froides, pour Derrière la salle de bains, qui est sortie le mois dernier. 

 

Pour L’enquête infinie, Laurent de Sutter a eu l’idée du bandeau : « Une autre histoire du XXe siècle ». Ça m’a bien plu. D’une certaine façon, c’est une histoire du XXe siècle qui est écrite, qui commence avec Jack l’Éventreur et Edgar Allan Poe (au XIXe) et Nadja et Artaud (au XXe) qui va jusqu’aux serial-killers, aux guerres du pétrole, à Charlie Kaufman, et qui se perpétue un peu au-delà, avec Dollhouse et la mort de Bowie (au XXIe). Il y a de longs passages sur l’esprit des années 1920, des années 1930, ou des années 1960, 1970, 1980… Le livre interroge sans cesse la place du mystère ou des mystères dans la trame du XXe siècle. 

 

La stupeur du monde est finie. L’enquête infinie est finie. Ce qui n’est pas fini, c’est sans doute l’école : vu que je n’arrête pas de faire des rêves d’examen. Depuis le début du confinement, j’ai recommencé à noter mes rêves, de façon assez stricte, soutenue. En un an, j’en ai noté plus de cent. 

 

Il y a des rêves de dents qui tombent, des rêves de valises et de train à prendre, des rêves de spectacle qui commence où je suis sur la scène et je n’ai pas répété mon texte. Il y a des labyrinthes où je me perds, des litières de chats que je dois nettoyer, des vieilles affaires de ma jeunesse que je retrouve : cassettes-audio, livres pour enfants, vieux carnets. Il y a aussi des décors à la Bosch ou à la Breughel, des sortes de tours de Babel où je dois descendre ou monter, des restaurateurs qui s’enfoncent dans des sables mouvants et que je peine à aider à sortir, une fille qui crie : « Pacôme, casse-toi du neuvième arrondissement ! » Il y a des repas où on me propose systématiquement de la viande que je dois refuser, gêné ; et un rêve où j’achète un sandwich « Rainbow Children » dans une boulangerie et je fais un scandale parce qu’il y a du jambon dedans et que Prince était végétarien. Il y a beaucoup de rêves autour de Lumpy Gravy et d’Out 1. Il y a des rêves de soulèvement qui échouent et Eric Zemmour qui devient maître du monde et organise des exterminations massives de population. Il y a pas mal de rêves dickiens sur une incarnation de la Sofia ou de la divinité qu’il faut retrouver. Voire même « le premier exégète » qui pourrait m’expliquer le sens authentique de sa fonction. Et je vois sans cesse quelqu’un qui me dit que je n’ai pas réussi à faire l’exégèse de telle ou telle chose, que beaucoup de choses sont encore indéchiffrables, que j’ai encore bien du travail. Mais surtout, il y a beaucoup de rêves d’examens. 

 

Quand est-ce qu’elle sera finie, l’école infinie ?