Pour le blog « Ici-Bas / La Guerre Totale », entrée écrite en septembre 2007
Au concert de Unsane hier soir : le type à côté de moi qui, à partir d’un certain morceau, a commencé à répéter en boucle, rythmiquement, très, très fort, la même interjection pseudo-paysanne et pseudo-comique : « Ah bé hein ? » comme si sa vie en dépendait.
« Ah bé hein ? »
Ca a commencé sur un solo d’harmonica et ça a été reconduit, sur le deuxième beat du tempo, jusqu’à ce que le concert s’arrête.
« Ah bé hein ? »
Il en a fait encore quelques autres à la toute fin, les lumières rallumées, alors que la foule s’éclipsait, puis a cessé.
« Ah bé hein ? »
Il est de la même famille que celui qui, en novembre 1999 à Toulouse, criait systématiquement « En joute ! » entre chaque morceau.
« En joute ! »
Il a du faire ça toute la soirée, et c’était un festival, avec plusieurs groupes. Chacun a pu en avoir pour son grade. Fabrice Petitjean et moi nous regardions, mi-atterrés mi-fascinés, à chacune de ses interventions, très prévisibles.
« En joute ! »
L’hypothèse la plus probable était qu’il était enfermé dans une boucle temporelle, et tout l’espace-temps replié avec lui ; et cette boucle se fermait sur elle-même le temps du morceau.
« En joute ! »
Pour que le temps et l’espace reprennent, il fallait, à chaque fin de morceau, relancer le « En joute » qui permettrait à l’histoire de continuer.
« En joute ! »
Il avait raison et nous avions tort. Il était vivant et nous étions morts.
« En joute ! »
Et dans une perspective résolument dickienne, au bout de quelques années, je me retrouverais à la place de cet homme, à devoir crier « En joute » dans les festivals pour que le monde ne s’arrête pas…
« Ah bé hein ? »