Ce texte a été écrit pour la plaquette de présentation du film Hormona (composé des courts-métrages : Prehistoric Cabaret, Y a-t-il une vierge encore vivante ?, Notre-Dame-des-Hormones).
Les films de Bertrand Mandico sont comme des films qu’on aurait vus en rêve et dont on dirait : J’étais dans une salle de cinéma qui était également un temple orphique plein de statues humaines et nous y assistions à la projection du film d’un très vieil enfant visionnaire qui était aussi l’invocation rituelle d’une déesse : la déesse de la chair luxuriante, des fruits qui mûrissent et des fleurs qui fanent. Dans Prehistoric Cabaret, où Elina Löwensohn danse entre des fantômes otto-dixiens et george-grosziens de spectateurs déclinants, alcoolisés, énervés et excités, la pénétration dans les strates les plus profondes de l’être fonctionne comme le poème-piano-bastringue de l’art devenu planétarium érotique, érotarium sacrificiel. Dans Y a-t-il une vierge encore vivante, Elina Löwensohn est une Jeanne d’Arc aux yeux crevés, préraphaélite et f’murrresque, hiératique comme une demoiselle Mordred dans son armure d’argent. La forêt est sauvage, venteuse et murmurante comme un vers de Rimbaud. Dans Notre-Dame-des-Hormones, Œdipe est un vieillard aux longs seins. Dans un palais de cauchemar, Nathalie Richard et Elina Löwensohn jouent la variation apocryphe d’un Baby Jane archaïque, pétillant et traître comme un cocktail ; un épisode oublié de Céline et Julie filmé dans l’Italie d’un monde-miroir où pousse un vieux morceau de chair. Les couleurs collent aux corps comme du miel sur les paupières pourpres des anges. Chaque image de Bertrand Mandico que nous sommes amenés à découvrir est déjà mythique, inimaginable et instantanément inoubliable. Le sang, l’or, la cire et les alcools y coulent comme des larmes. Tout y est inquiétant et sublime, tourmenté et consolateur.