Alors que, en mars 2009, le déchirant « Do You Realize ?? » est élu hymne pop rock officiel de l’état d’Oklahoma, le christique Wayne Coyne, gourou floydien destroy de la contre-culture trans-générationnelle devenu prophète en son pays, quitte la dimension narrative qui servait de colonne vertébrale aux deux précédents albums du groupe (« Yoshimi Battles The Pink Robots » ; « At War With the Mystics ») et propose, avec « Embryonic », titre björko-radioheadien, 71 minutes chaotiques et généreuses, marquant un étrange retour à l’atmosphère expérimentale, salement saturée, des disques d’avant… Une batterie complètement tarée, des cloches, des harpes, des mélodies répétitives presque cold wave (« Sagittarius Silver Announcement »), des voix de radios venant de nulle part et n’allant nulle part (« Gemini Syringes »), des guitares insistantes qui surgissent de partout et hésitent à partir comme à rester (« Powerless »), des appels au secours d’une planète à une autre (« The Ego’s Last Stand »), des chansons d’Hiver pour enfants malades (« If »), un acharnement dans l’expression transfigurée de la catastrophe (le formidable « Convinced Of The Hax »), et une naïveté compensée par des coups de couteau dans le gras de leur lyrisme (« I Can Be A Frog »). Les Flaming Lips sont à la fois des princes et des bouchers : leur exquise délicatesse se renverse souvent en brutalité démembrée ; leur grand bordel cosmique se hisse parfois à un pur classicisme apollinien. Musiciens des paradoxes renversants, c’est en vieillissant qu’ils deviennent de plus en plus jeunes, et en s’accomplissant dans l’amour et la joie qu’ils expriment la plus délicieuse des tristesses, et le désespoir le plus chérissable.