Paru dans le n°557 de Rock&Folk en janvier 2014.
On l’attendait depuis 9 ans, cette phase 2 de « Book of Horizons » : un opus aussi ambitieux que la trilogie Civilization de Zappa – et que le plus grand mage de notre Temps, Trey Spruance, bâtit à partir d’un verset du Coran (« Nous leurs montrerons les signes dans les horizons et dans leurs âmes ») et sa subdivision en 3 livres par Haydar Âmolî : livre du macrocosme, livre du microcosme et enfin livre de la révélation. Chaque morceau est un trésor rempli de secrets, roulé dans une énigme. Il y a du bricolage divin à la Brian Wilson dans ce puzzle (avec, pour chaque morceau, des pistes datant de 2004, d’autres de 2009… Un basson de 2013 sur une batterie de 2008 derrière un violon de 2005... des cloches, des chœurs) mais un Wilson iranien, à mi-chemin du death et de la surf. Les deux reprises emportent l’adhésion immédiate : celle de « Halloween » qui fait vibrer corps et âme et « La Chanson de Jackie », western musette qui fait trembler ce qui reste de notre cœur d’homme (avec un Mike Patton destroy beau à pleurer). Il y a deux mélopées Ishraqiyun qui traversent l’espace psychique et ouvrent aux citadelles en suspens ; six interludes-captations d’une radio bizarre tirée d’un roman de Dick, avec de petits thèmes stravinskiesques et un surf qui nous emporte dans le rêve tandis qu’apparaissent, impériaux, les deux pièces de résistance du disque : « Potestas Clavium », une marche militaire lunaire, carnavalesque, avec des chœurs de science-fiction italienne, des breaks avec accordéon et guitare métal, une ambiance de guerre civile et des envolées dans l’astral ; et les « Scortched Earth Saturnalia », un ballet funèbre, avec des chœurs et des cordes grandioses – où l’on passe par toutes les morts et les mélancolies. Les Secret Chiefs 3 sont les plus grands : certes, ce n’est pas nouveau ; ce qui est nouveau, c’est ce disque : plus grand que nos souhaits, plus grand que nos rêves.